Tout
l'histoire de l'antiquité correspond sans doute à un jeu alterné de marées,
s'avançant et reculant, portant la frontière de l'Orient et de l'Occident,
tantôt plus loin vers l'Ouest et tantôt plus loin du côté de l'Asie. Marathon
fut, un jour, le front de l'Occident en état de défense. Avec Alexandre le
Grand, toute l'Asie occidentale fut hellénisée et la limite se déplaça, pour
quelque temps, de quelques deux mille kilomètres vers l'Est. Venant de
l'Extrême-Orient après avoir fait le tour du monde, avec quelle émotion, je me
rappelle avoir traversé l'Hindus! Alexandre était venu jusque-là: je reprenais
contact, symboliquement du moins, avec cette ligne extrême où la vague grecque,
ayant atteint et même dépassé la force d'expansion qui était en elle, était
venue mourir, épuisée.
Cette
frontière, il n'était pas question de la maintenir. Rome, plus tard, fixa et
consolida son système de défense, aux bords du désert, non loin du versant
géographique dont nous parlions tout à l'heure. Mais l'Islam, à son tour,
orientalisa toute un section de la Méditerranée, et cette fois c'était l'Occident
qui reculait: point n'est besoin d'un regard pénétrant pour déceler, même à
Athènes, je ne sais quelle présence latente de l'Orient...
Il me semble
que les lieux qui ont été disputés, au cours des siècles, entre des
civilisations adverses, s'enrichissent de cette lutte, se chargent de poésie. Quelle
excitation, pour l'esprit et la sensibilité, que la recherche de ces frontières.
André
Siegfried. "Ou l'Orient commence." Verve, No. 3 (June, 1938).
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